Méditation 4ième dimanche carême

« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lave, et je vois »

Un aveugle mendiant assis  au bord de la route, c’est un tableau que nous avons tous vu. Un aveugle, c’est-à-dire quelqu’un qui est coupé du monde par sa cécité, enfermé dans son univers intérieur de solitude et de ténèbres. Un mendiant, autrement dit quelqu’un qui n’a d’autres ressources que de recourir à la pitié publique, geste qui humilie et qui dégrade la dignité de l’homme.

En préparant cette méditation, je m’imaginais combien devait être grande et féroce la souffrance de cet homme qui n’a jamais vu ni la lumière, ni les hommes, ni les merveilles de la création et de l’intelligence humaine. Je pensais à la peine de cet aveugle de naissance qui ne fait que toucher et sentir mais jamais il ne voit. Un homme qui vit la terrible réalité d’avoir des pieds et de ne pouvoir aller où l’on veut ; de ne pas être libre de ses mouvements ; de savoir qu’on est obligé de renoncer à tel boulot, à tel voyage, à tel plaisir.

Je devinais en même temps, la joie et le bonheur qui ont pu animer cet aveugle lorsqu’il a senti venir Celui qui sera maintenant son seul bien, la seule et vraie aumône de sa vie.

L’évangile de ce dimanche, 4è du temps du carême, n’est pas simplement une scène à la fois émouvante et spectaculaire produite il y a quelques milliers d’années.   Elle est  le triste reflet de nos aveuglements spirituels. Et en ces moments ou le coronavirus fait des ravages dans nos pays, nous obligeant à rester enfermés, nous ressemblons à cet aveugle autant dans nos enfermements que dans nos précarités que ce temps de confinement peut provoquer.

Nous avons certes reçu les consignes et recommandations de nos autorités étatiques et sanitaires pour une sortie de crise rapide. Mais aujourd’hui c’est notre Seigneur qui s’avance vers notre monde symbolisé par Bartimée pour nous donner son remède : cette boue qui rappelle la glaise de laquelle fut tirée notre humanité et  l’envoie dans les eaux vives et purifiantes de la piscine de Siloé. Ce trajet vers la guérison, ne peut se vivre cependant sans solidarité et surtout sans conversion car souvent nous voulons la guérison sans la conversion. L’heure n’est donc pas, comme on peut le constater dans les réseaux sociaux, à la recherche de celui qui a inventé ce virus et du pourquoi, à la manière des disciples  « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents ? ».  Recherchons plutôt, en ce temps privilégié du carême que nous vivons autrement, ce qu’il y a à guérir en nous. Et n’oublions pas que  guérir  ce n’est pas simplement retrouver l’état de santé précédent l’affection. Guérir c’est aussi se réconcilier avec ce que je suis et ce qui fait ma vie aujourd’hui comme étant le résultat d’un passé que j’assume et le départ d’un avenir que je façonne. Chacun alors, vous, moi,  nous pouvons nous poser la question : « où en suis-je, dans mon processus de guérison et de conversion ? »

Père Zacharie